WhatsApp, application «la plus dangereuse» pour les autorités
Toutes les semaines, chronique de la vie quotidienne, sociale et culturelle dans les pays arabes.
WhatsApp, un outil politique adapté aux pays arabes ? Selon un sondage de l’université Northwestern au Qatar, l'appli, qui compte 1,5 milliard d’utilisateurs dans le monde, est le réseau social le plus populaire du Moyen-Orient. En plus de s'imposer au quotidien dans les échanges téléphoniques par sa gratuité, cette messagerie facilite beaucoup l’organisation des manifestations antigouvernementales dans les pays arabes où les libertés comme celle de se rassembler sont restreintes.
Au Liban, où le prix des télécommunications est parmi les plus élevés de la région, la population utilise massivement WhatsApp pour passer des appels en ligne. C'est d'ailleurs l'annonce par le gouvernement, le 17 octobre, d'une taxe sur ces appels, qui a déclenché la colère des Libanais contre toute la classe politique, au point de contraindre le Premier ministre Saad Hariri à démissionner.
Si la plupart des manifestants rejettent l’expression «révolution WhatsApp», ils reconnaissent son importance pour la mobilisation de centaines de milliers de personnes dans un pays qui compte 6 millions d'habitants. Pour Yasmine Rifaii, 24 ans, organisatrice de manifestations à Tripoli (nord), WhatsApp sert de «coulisse virtuelle de la révolution». «Nous somme connectés à tous ces groupes WhatsApp. (...) Ainsi, nous atteignons des gens, en (abolissant les clivages) religieux et les distances», affirme-t-elle.
L’utilisation de WhatsApp peut aussi être vitale dans les conflits, comme en Syrie où des civils s’en servent pour lancer des appels à l’aide, explique Mustafa al-Hajj Younes, qui dirige une équipe de secouristes dans la province d’Idleb (nord-ouest). Pour lui, WhatsApp est incontournable dans les zones sous contrôle de l’opposition, en raison de la défaillance des infrastructures de télécommunication.
«Bloquer WhatsApp pour empêcher ces rassemblements»
Face à ce risque potentiel de ralliement des protestataires, certains pays bloquent régulièrement ce genre d'applications. En Irak, où plus de 200 personnes ont été tuées depuis le début d’un mouvement de contestation inédit le 1er octobre, les autorités ont coupé Internet pour affaiblir la mobilisation anticorruption. «Nous considérons WhatsApp comme étant l’application la plus dangereuse, affirme à l’AFP un haut responsable de sécurité, sous couvert de l’anonymat. Bloquer WhatsApp était nécessaire pour empêcher ces rassemblements.»
Pour Yasser al-Joubouri, un militant irakien qui a participé à la première vague de manifestations à Bagdad entre le 1er et le 6 octobre, WhatsApp est une application cruciale pour propager «rapidement» les informations sur les manifestations grâce à des groupes et les «diffuser sur Facebook ou Twitter».
Aux Emirats arabes unis, les usagers sont obligés de passer par l’intermédiaire d’un serveur proxy pour effectuer des appels par messagerie. Certains ont même été emprisonnés en raison de messages jugés offensants par les tribunaux émiratis.
En Egypte, en marge de manifestations contre le pouvoir, d’ampleur limitée, des policiers ont arrêté de nombreuses personnes après avoir fouillé au hasard leur portable. Selon le procureur général égyptien, les policiers ont reçu l’ordre «d’inspecter le contenu des comptes sur les réseaux sociaux et les pages personnelles des détenus».
Au Maroc, les opérateurs téléphoniques et l’autorité de régulation marocaine ont bloqué, en 2016, tous les réseaux permettant des appels gratuits dont Whatsapp avant d'y renoncer sous la pression des internautes marocains. Par ailleurs, dans le royaume classé à la 135e place du classement 2018 de Reporters sans frontières, cette messagerie a une vraie utilité pour la protection des journalistes et de leurs sources.
Fridel